CHRISTIAN LUTZ

Suisse

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In Jesus' Name

Biographie

Christian Lutz est né à Genève en 1973. Il a étudié la photographie au "75", établissement artistique de Bruxelles, de 1993 à 1996.

Il a exposé récemment "pouvoirPOUVOIR ? Love me Protokoll" au Centre de la Photographie de Genève et OutWest au Lumix Festival de Hannovre. Il a publié entre autres "Karpathos" aux éditions Ides et Calendes (Neuchâtel) en 2000 et "Protokoll" chez Lars Müller Publishers (Baden) en 2007. Ses travaux ont été couronnés par une nomination au Prix européen de la Fondation HSBC, par le Prix allemand du Livre pour "Protokoll", par le prix Nicolas Bouvier et par le Prix suisse de la Photographie ewz-Selection.

Présentation

Après le pouvoir politique dans Protokoll et le pouvoir économique dans Tropical Gift, Christian Lutz s'est intéressé au pouvoir religieux dans In Jesus' Name. Ce troisième ouvrage devait clore une trilogie fondamentalement politique et critique. Mais, à peine paru, le volume a été interdit par la justice suisse, à la suite de plaintes pour atteinte à l'image de personnes figurant dans le livre, toutes fréquentant l’ICF (International Christian Fellowship). Les photographies controversées sont désormais montrées barrées d’un bandeau noir sur lequel sont retranscrites les plaintes rédigées par l’avocat des plaignants.

L’interdiction du livre In Jesus’ Name dit vouloir protéger les personnalités des plaignants telles qu’elles seraient atteintes par les photographies de Christian Lutz. À bien y regarder, deux types d’éléments seraient susceptibles de leur nuire. D’une part, des interprétations qui en réalité ne sont pas fondées sur le contenu effectif des images. D’autre part, des situations effectivement constatées mais que l’ICF n’assumerait pas (attitudes de transe, jeux à connotation militaire…). Mais qu’est-ce qui, de fait, pourrait être mis en cause par cette série ? La dignité des personnes désignées comme plaignantes ? La façon dont l'ICF les met en situation de perte de contrôle de leur propre image, de leur propre comportement ? La procédure judiciaire n’aura pas permis de répondre à cette question. En réalité, le problème posé par ces images se situe en amont de la photographie. L’image que ces gens donnent d’eux-mêmes dans le cadre de ces manifestations évangéliques est déjà constituée bien avant que la photographie n’intervienne, par une scénographie dont la fonction est justement de rendre visible ce qui est de l’ordre d’une adhésion intime à une croyance, ou ce qui témoigne d’un au-delà invisible par définition. La monstration de l’état d’extase notamment est déterminante pour les effets de mimétisme qui vont déclencher les adhésions collectives au discours de croyance, et donc la perte de distance, d’autonomie de l’individu par rapport au groupe. L’enjeu de la tentative d’interdiction des images de Christian Lutz est donc crucial non pas pour les plaignants, mais pour la structure qui les encadre, par ce qu’elles dévoilent de la mise en scène des émotions. Un mode d’accusation possible, dès lors, consiste à faire porter à l’image photographique la responsabilité (jusqu’au sens pénal et juridique du terme) des interprétations que l’on pourrait donner à ces situations, alors que tout, dans leur mode d’organisation, concourt à créer les conditions d’une culpabilité latente et d’une extase rédemptrice dont les organisateurs pourront recueillir les fruits en termes d’adhésion à la doctrine. C’est cette iconographie de la douleur et de la jouissance comme gages de la foi que le travail de Christian Lutz met à jour, non pas pour en condamner les acteurs, mais pour en éclairer les effets.

Tirages de l'exposition In Jesus' Name réalisés par l’Atelier Voies Off - Arles.
Avec le soutien de Pro Helvetia, Fondation Suisse pour la Culture.