Biographie
Né en 1973, Michel Le Belhomme a étudié à l’école des Beaux-arts de Rennes, où il a notamment suivi l’enseignement de Tom Drahos (1999). En 2010, il a été lauréat du concours SFR Jeunes Talents, de la Mission Jeunes Artistes (Toulouse) et du premier « Prix lacritique.org – Voie Off » en Arles.
Michel Le Belhomme pratique le « lent protocole sculptural qui fait tableau » (Christian Gattinoni), dans le sillage des sculptures involontaires de Brassaï et des ready made à l’échelle et au point de vue rectifiés par Patrick Tosani. Du premier il a retenu l’utilisation des matériaux sans qualité, leur pouvoir de transformation. Du second il travaille la singularité des objets et leur métamorphose dans un jeu de proximité, perturbé par la distance et la variation d’échelle.
Présentation
Détachées d’une vision romantique et touristique du paysage, les recherches photographiques de Michel Le Belhomme développent un rapport ambigu à la représentation, entre document et fiction : en ce début de 21ème siècle postmoderniste et transversal, la question de l’altérité nous obsède moins. Soit, il y a de l’incompréhensible, du dehors, de l’ailleurs, de l’hétérogène, de l’altération, etc. Il y a toutes sortes d’altérités, mais il est nécessaire d’opérer une mise en perspective critique, l’image est toujours le reflet d’une déchirure. Elle ne se forme que dans la déformation et la déconstruction et donc en résistance face à sa ‘‘ légende’’.
Prônant ainsi une photographie analytique, ses images placent le spectateur en situation de précarité visuelle, en quête de sens pour démêler le vrai du faux. Perturbation des rapports d’échelles, déconstruction de l’environnement, installations in situ... chaque image ouvre d’abord un champ d’expérimentation, une mise à l’épreuve du réel. Où sommes-nous et que voit-on exactement ? Michel Le Belhomme répète qu’il a toujours la hantise de la satisfaction du spectacle immédiat et préfère à celui-ci l’état flottant de la métamorphose. Dans La bête aveugle, voyage en boucle dans l’espace de son domicile, il pervertit la grammaire des lieux et crée des formes hybrides dont l’ordre apparent dissimule le chaos. Une dualité des espaces, entre dominant et dominé, refuge et précarité, clarté et aveuglement, ouverture et enfermement, qui pose autant d’énigmes qu’il ne pousse de bêtes dans cette série tentaculaire, désormais composée de plus de 200 images. “La force de ce travail tient finalement à son pouvoir de suggestion - car rien n’est directement exprimé - transcendant ainsi le particulier anecdotique pour toucher une angoisse plus universelle : personne n’est à l’abri de la houle qui fait chavirer tantôt vers la raison, tantôt vers le délire. Avis de tempête intérieure !’’ *
* Espaces sans issues d’Eric Van Essche, Directeur de l’ISELP et professeur d’histoire de l’art à La Cambre à Bruxelles
Les deux labyrinthes, nouvelle série en cours, s’inscrit dans le prolongement de la précédente en ce qu’elle repose sur le même principe d’exploration. Mais elle constitue en même temps un hors-champ de La bête aveugle dès lors qu’il s’agit pour Michel Le Belhomme de s’extraire de chez lui pour faire l’expérience du territoire. C’est un autre voyage en forme de boucle, en périphérie d’une vision attendue du paysage, qui s’articule comme une déambulation initiatique, entre errance contemplative et enfermement labyrinthique.
Chaque image procède d’abord d’une mise à plat des évidences et d’une reconfiguration. Il s’agit là encore d’expérimenter les échelles de représentation en se réappropriant l’ordinaire dans un jeu poétique et sémiotique, par détournement des signes distinctifs, comme il le fait pour la carte routière ou la mappemonde. Minimaliste par l’économie de moyens mise en œuvre, son esthétique est néanmoins plus sophistiquée qu’il n’y paraît, nourrie de références et d’emprunts au langage pictural, sculptural ou autre. Le titre Les deux labyrinthes renvoie ainsi à une nouvelle de Borges, “Les deux rois et les deux labyrinthes’’, où l’auteur argentin cherche à donner la complexité modeste et secrète du désert.
A bien y regarder, les vides font le plein et il y a en tout lieu saturation de l’espace. Une profusion toute en retenue, trait de maturité dans l’oeuvre de cet artiste qui médite le doute cartésien.